3 (+1) questions à Geneviève B. Blain

L’artiste visuelle et autrice nous lisait son poème «Mes douces épaves» dans l’épisode 4, pour accompagner notre confinement du printemps dernier. Créatrice aux multiples talents, Geneviève B. Blain dessine et juxtapose des formes abstraites et colorées qui, tout comme sa prose, ne renient pas leur nature sentimentale. Malgré la crise, l’artiste a continué de toucher à tout et de transformer ses états d’âme sur différents supports. On en apprend un peu plus sur sa démarche.

Tu es poète et artiste visuelle. De quelle manière les mots influencent-ils ta démarche artistique visuelle, et inversement?

Je parlais justement de ce canal créatif avec une amie récemment. Les mots me viennent toujours avec une image. Je me concentre sur un objet, une personne ou une couleur et je tente de décortiquer les émotions associées. Par exemple, la lune me rend triste. Puis je cherche les raisons de cette tristesse et j’en fais des métaphores. C’est un processus qui me permet d’accéder à mon for intérieur et de mieux me connaître du même coup.

En faisant cela, je tente aussi de chasser la voix critique qui me freine lorsque je fais de la peinture et du collage. Je cherche la bienveillance dans les gestes spontanés et l’apprentissage de mon éventail émotif grâce aux mots m’amène à maîtriser un automatisme sain. 

Comment définirais-tu ton style visuel?

J’ai fait mes études en biologie et j’ai longtemps ressenti un syndrome de l’imposteur. De plus en plus, je prends ma place et je m’inspire de mes connaissances scientifiques pour ensuite les déconstruire en images. J’utilise parfois des encyclopédies que je découpe durant des après-midis entiers. Je voudrais bien me considérer comme une artiste automatiste. Je fais dans l’abstraction, la plupart du temps, et j’essaie de transmettre des émotions et des concepts à travers les formes. Je joue avec les connexions, les réactions chimiques ou les effets de lourdeur et de légèreté. Mon idole en art visuel est l’incontestable Paul-Émile Borduas. 

J’essaie de ne pas me mettre de pression productive et de prendre avec joie les moments où l’inspiration et le courage se pointent. 

Parle-nous un peu de tes projets en cours. Qu’est-ce que tu crées en ce moment?

Depuis un an maintenant, j’ai la chance de fusionner avec d’autres artistes multidisciplinaires et de démarrer un projet de musique [Presqu’Île]. Je renoue avec le chant que j’avais délaissé depuis le cégep. J’ai un grand bagage poétique et les paroles me viennent aisément. Je compare cette expérience à une relation amoureuse avec les autres membres du groupe, c’est-à-dire qu’elle grandit dans l’écoute et l’affirmation au bon moment. J’y trouve ma voix personnelle même si ça peut sembler cliché.

Je laisse aussi une grande place aux collages, qui deviendront des impressions avec une nouvelle galerie en ligne, la Galerie Bello, qui a choisi de me représenter. 

Est-ce que 2020 a eu un impact sur ta démarche artistique et tes œuvres?

J’ai pu terminer d’écrire un recueil de poésie en avril dernier après l’arrêt des activités de l’organisme pour lequel je travaille. Il sera publié en 2021, mais je garde la surprise pour les détails! J’ai vécu des hauts et des bas avec le confinement du printemps et de même avec ce passage en zone rouge de Montréal et toutes les restrictions associées. Pour le projet de musique, nous ne pouvons plus nous rassembler au studio, je me défoule donc en découpant des revues National Geographic pour alimenter ma banque d’images pour mes collages. N’ayant plus d’atelier, mes colocataires me prêtent la cuisine gentiment certains jours!

Je veux être honnête en mentionnant que je dois jongler avec de l’anxiété certains jours. Elle me met des bâtons dans les roues, mais j’essaie de ne pas me mettre de pression productive et de prendre avec joie les moments où l’inspiration et le courage se pointent. 

🎧 Écoutez l’épisode L’art (et la vie) au temps du confinement

article rédigé par : Claire-Marine Beha

écrit le : 29 octobre 2020