Frédérique Duval: les accalmies créatives

L’artiste, qui sévit sous le pseudonyme Ma main au feu, réalise des illustrations aux couleurs et aux sommets explosifs. Depuis son appartement du quartier Verdun, elle dessine, confectionne des fanzines autant qu’elle compose de la musique. L’art s’impose comme un baume essentiel dans sa vie.

«Ma main au feu a commencé pendant une période d’autocombustion, raconte celle qui, à la fin de son baccalauréat en arts, travaille à un rythme effréné, s’accorde peu de temps de repos et prend malheureusement le chemin de l’épuisement professionnel. J’ai compris pourquoi le terme burn-out évoque la brûlure: mon corps était un feu de fatigue, mes mains trop douloureuses pour faire quoique ce soit. L’expression ‘mettre sa main au feu’ m’a marquée dans ce temps-là, exemple fort de conviction en comparaison au doute que je vivais, et clin d’œil à mes mains fatiguées.»

Elle s’éloigne ainsi d’une pratique qui impliquait de longs processus (céramique, sérigraphie, etc.) et qui explorait le lien entre le corps et l’espace habité. Un nouvel ADN artistique s’impose spontanément à elle.

Une déclinaison d’identités créatives

À partir de 2013, Frédérique Duval explore l’autofiction sous forme de bande dessinée assez minimaliste. «Juste du papier et un stylo noir, c’est tout, insiste la créatrice.

Une épopée tragicomique qui l’amène pendant plusieurs années à dessiner de façon constante. «À mon rythme, je produisais à nouveau quelque chose, et j’y exprimais l’anxiété et l’absurdité de la vingtaine et du milieu artistique. Ça a été une révélation de m’éloigner du monde de l’art et de reprendre contact avec la création de la maison, en y rattachant mon processus de guérison, et surtout, sans que ce soit compliqué.»

Je dessine et je compose des paysages ou des structures sonores qui m’amènent à fixer une forme de paix et de résolution.

De nature casanière et réservée, Frédérique s’enivre toutefois de culture et développe un fort intérêt pour la marge. «Pour les outsider artists, les pratiques cachées ou éphémères comme l’art postal, les zines, la musique new age», dit-elle.

À son tour, elle s’approprie l’univers du fanzine et imprime notamment son webcomic intitulé Ma main au feu. «J’ai aussi commencé à faire des nouveaux projets comme ma série Mountain Dwayne, garçon-montagne, sous ce même format que je trouve libérateur. Tout d’un coup, c’était facile pour moi de diffuser physiquement mes projets de façon abordable.»

Après avoir plongé dans l’univers de la publication indépendante, c’est le métier de bibliothécaire qu’elle part apprendre sur les bancs de l’école. D’ailleurs, la littérature semble lui sourire puisque certains de ses dessins ont accompagné des recueils de poésie ou encore la revue de création littéraire Le Pied.

Des cimes hautes en couleur

L’artiste se concentre désormais sur l’illustration au crayon de bois, et sur sa musique [avec les projets Fumerolles et Avalahm], embrassant sans faille son rôle de créative versatile et pluridisciplinaire. «Depuis deux ans, j’ai aussi formé un petit « club postal’ » d’une quarantaine de personnes qui acceptent de correspondre entre-elles chaque saison. Je ne m’attendais pas à ce que ce réseau perdure et se développe à ce rythme, mais ça m’apporte beaucoup d’inspiration!»

L’univers visuel bariolé qu’elle créée emporte ses spectateurs sur des sentiers montagneux qui semblent tout droit sortis d’un songe. Des mondes sismiques et émerveillants qui vont de pair avec les sonorités éthérées qu’elle conçoit. «Je me suis toujours sentie divisée entre mes intérêts, mais de plus en plus, ils se développent en symbiose, analyse-t-elle. Le caractère multi – ou anti! – disciplinaire me permet de ne jamais voir de limite et de laisser la chance aux choses de s’influencer entre elles.»

Cultivant ses différents talents, il semble bel et bien exister de pont entre ses œuvres auditives et visuelles, une sorte de résonance au fort potentiel émotionnel. Autant en musique qu’au dessin, son travail actuel s’intéresse aux notions d’apaisement et de guérison, en plus de sa grande fascination pour la nature et notre relation avec celle-ci.

«Je dessine et je compose des paysages ou des structures sonores qui m’amènent à fixer une forme de paix et de résolution. C’est une quête d’équilibre entre lumière et mystère, entre le calme et l’inquiétude, qui se déploie dans la narration libre et onirique formée des différents éléments: une montagne, un serpent, une fenêtre, un regard.»  

L’artiste travaille présentement sur un roman graphique qui abordera, entre autres, le trouble obsessionnel compulsif (TOC), une condition dont elle est elle-même atteinte. Elle espère que son coup de crayon bienveillant saura offrir une représentation plus réaliste, plus sensible de ce trouble. Elle se sent prête à balayer du revers de la main les clichés et à créer pour apaiser.

📌 Suivez l’artiste sur Instagram.

article rédigé par : Claire-Marine Beha

écrit le : 1 décembre 2020